jeudi 22 juillet 2010

L’Erreur Spirite - Chapitre V : Spiritisme et occultisme ; p.61-63



L’occultisme est aussi une chose fort récente, peut-être même un peu plus récente encore que le spiritisme ; ce terme semble avoir été employé pour la première fois par Alphonse-Louis Constant, plus connu sous le pseudonyme d’Eliphas Lévi, et il nous parait probable que c’est lui qui en fut l’inventeur. Si le mot est nouveau, c’est que ce qu’il sert à désigner ne l’est pas moins : jusque là, il y avait eu des « sciences occultes » plus ou moins occultes d’ailleurs, et aussi plus ou moins importantes ; la magie était une de ses sciences, et non leur ensemble comme certains modernes l’ont prétendu (1) ; de même l’alchimie, l’astrologie et bien d’autres encore ; mais on n’avait jamais cherché à les réunir en un corps de doctrine unique, ce qu’implique essentiellement la dénomination d’ « occultisme ».

A vrai dire, ce soit disant corps de doctrine est formé d’éléments bien disparates : Eliphas Lévi voulait le constituer surtout avec la kabbale hébraïque, l’hermétisme et la magie ; ceux qui vinrent après lui devaient donner à l’occultisme un caractère assez différent. Les ouvrages d’Eliphas Lévi, quoique beaucoup moins profonds qu’ils ne veulent en avoir l’air, exercèrent une influence extrêmement étendue : ils inspirèrent les chefs des écoles les plus diverses, comme Mme Blavatsky, la fondatrice de la Société Théosophique, surtout à l’époque où elle publia Isis Dévoilée, comme l’écrivain maçonnique américain Albert Pike, comme les néo-rosicruciens anglais. Les théosophistes ont d’ailleurs continué à employer assez volontiers le mot d’occultisme pour qualifier leur propre doctrine, qu’on peut bien regarder en effet comme une variété spéciale d’occultisme, car rien ne s’oppose à ce qu’on fasse de cette désignation le nom générique d’écoles multiples dont chacune a sa conception particulière ; toutefois ce n’est pas ainsi qu’on l’entend le plus habituellement.

(1) Papus, Traité méthodique de Science occulte, p.324.

Eliphas Lévi mourut en 1875, l’année même où fut fondée la Société Théosophique ; en France, il se passa alors quelques années pendant lesquelles il ne fut plus guère question d’occultisme ; c’est vers 1887 que le Dr Gérard Encausse, sous le nom de Papus, reprit cette dénomination, en s’efforçant de grouper autour de lui tous ceux qui avaient des tendances analogues, et c’est surtout à partir du moment où il se sépara de la Société Théosophique, en 1890, qu’il prétendit en quelque sorte monopoliser le titre d’occultisme au profit de son école. Telle est la genèse de l’occultisme français ; on a dit parfois que cet occultisme n’était en somme que du « papusisme », et cela est vrai à plus d’un égard, car une bonne partie de ces théories ne sont effectivement que l’œuvre d’une fantaisie individuelle.

Il en est même qui s’expliquent tout simplement par le désir d’opposer, à la fausse « tradition orientale » des théosophistes, une « tradition occidentale » non moins imaginaire. Nous n’avons pas ici à faire l’histoire de l’occultisme, ni à exposer l’ensemble de ses doctrines ; mais de parler de ses rapports avec le spiritisme et de ce qui l’en distingue, ces explications sommaires étaient indispensables, afin que personne ne puisse s’étonner de nous voir classer l’occultisme parmi les conceptions « néo-spiritualistes ».

Comme les théosophistes, les occultistes en général sont pleins de dédain pour les spirites, et cela se comprend jusqu’à un certain point, car le théosophisme et l’occultisme ont tout au moins une apparence superficielle d’intellectualité que n’a même pas le spiritisme, et ils peuvent s’adresser à des esprits d’un niveau supérieur. Aussi voyons-nous Papus, faisant allusion qu’Allan Kardec était un ancien instituteur, traiter le spiritisme de « philosophie primaire » (1) ;

(1) Papus, Traité méthodique de Science occulte, p.324 et 909.

Et voici comment il apprécie les milieux spirites : « Ne recrutant que peu de croyants dans les milieux scientifiques, cette doctrine s’est rabattue sur la quantité d’adhérents que lui fournissent les classes moyennes et surtout le peuple. Les « groupes d’études », tous plus scientifiques les uns que les autres, sont formées de personnes toujours très honnêtes, toujours de grande bonne foi, anciens officiers, petits commerçants ou employés, dont l’instruction scientifique et surtout philosophique laisse beaucoup à désirer. Les instituteurs sont des « lumières » dans ces groupes » (1).

Cette médiocrité est en effet très frappante ; mais Papus, qui critique si vivement le défaut de sélection parmi les adhérents du spiritisme, fut-il lui-même, pour sa propre école, toujours exempt de tout reproche sous se rapport ? Nous aurons suffisamment répondu à cette question lorsque nous aurons fait remarquer que son rôle fut surtout celui d’un « vulgarisateur » ; cette attitude, bien différente de celle d’Eliphas Lévi, est tout à fait incompatible avec des prétentions à l’ésotérisme, et il y a là une contradiction que nous ne nous chargeons pas d’expliquer.

En tout cas ce qu’il y a de certain, c’est que l’occultisme pas plus que le théosophisme, n’a rien de commun avec un ésotérisme véritable, sérieux et profond ; il faut n’avoir aucune notion de ces choses pour se laisser séduire par le vain mirage d’une « science initiatique » supposée, qui n’est en réalité qu’une érudition toute superficielle et de seconde ou troisième main. La contradiction que nous venons de signaler n’existe pas dans le spiritisme, qui rejette absolument tout ésotérisme, et dont le caractère éminemment « démocratique » s’accorde avec un intense besoin de propagande ; c’est plus logique que l’attitude des occultistes, mais les critiques de ceux-ci n’en sont pas moins justes en elles-mêmes, et ils nous arrivera de les citer à l’occasion.(1) Papus, Traité méthodique de Science occulte, p.331.

1 commentaire:

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