dimanche 24 janvier 2010

Textes d'Eric "Younès"Geoffroy

Maître de conférence à l’université de Strasbourg

  1. Quelques défis auxquels est confronté le soufisme contemporain (2/2) mardi 24 novembre 2009
  2. Quelques défis auxquels est confronté le soufisme contemporain (1/2) lundi 16 novembre 2009
  3. Les correspondances entre les prénoms arabes et les prénoms européens mercredi 16 septembre 2009
  4. Quels sont les prénoms les plus portés dans le monde musulman ? mercredi 9 septembre 2009
  5. Est-il obligatoire de prendre un prénom arabe ? vendredi 4 septembre 2009
  6. Expansion et déclin de la culture musulmane jeudi 27 août 2009
  7. La raison islamiquevendredi 17 juillet 2009
  8. L’universalisme de l’islam : unité et multiplicité vendredi 3 juillet 2009
  9. L’islam sera spirituel ou ne sera plus vendredi 3 avril 2009
  10. Ibn ’Atâ’ Allâh al-Iskandarî (1259 - 1309) vendredi 25 avril 2008
  11. « Retour du religieux », ou « retour du spirituel » ? vendredi 7 mars 2008
  12. Redécouvrir l’humanisme spirituel, principe fondateur de l’islam jeudi 27 septembre 2007
  13. Le soufisme et la France (partie 2/2) vendredi 29 juin 2007
  14. Le soufisme et la France (partie 1/1) mercredi 13 juin 2007
  15. « Une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya » vendredi 19 mai 2006
  16. Une grande figure de saint ummî : le cheikh ‘Alî al-Khawwâs (m. 939/1532) (partie 1/2 ) mercredi 15 juin 2005
  17. Le sacrifice d’Abraham mardi 18 janvier 2005
  18. De l’influence d’Ibn ’Arabî sur l’école shâdhilie égyptienne (époque mamelouke) : premiers jalons (partie1) lundi 22 mars 2004
  19. Eric Geoffroy évoque le Prophète Muhammad en tant que modèle spirituel sur OummaTV vendredi 31 octobre 2003
  20. Eric Geoffroy sur OummaTV : « Le soufisme est une science spirituelle de l’islam » vendredi 26 septembre 2003
  21. Les hommes de religion dans le Moyen-Orient ayyoubide et mamelouk XIIe - XVIe siècles ( partie 2 et fin) mercredi 18 juin 2003
  22. Les hommes de religion dans le Moyen-Orient ayyoubide et mamelouk XIIe - XVIe siècles (partie 1) mercredi 11 juin 2003
  23. Le culte des saints au Proche-orient (partie 4 et fin) mercredi 12 mars 2003
  24. Le culte des saints au Proche-orient (partie 3) mercredi 12 février 2003
  25. Le culte des saints au Proche-orient (partie 2) lundi 13 janvier 2003
  26. Le culte des saints au Proche-orient (partie 1) dimanche 29 décembre 2002 .

Quelques ouvrages de cet auteur :

La naissance de la Loge « La Grande Triade » dans la correspondance de René Guénon à Frithjof Schuon

Jean-Baptiste AYMARD

Créée en 1947, la Loge maçonnique « La Grande Triade » emprunta son nom à un ouvrage de René Guénon paru l’année précédente. Rattachée à la Grande Loge de France et fondée à l’initiative du Comte Mordvinoff, un russe exilé à Paris, elle comptait à l’origine sept membres qui avaient trouvé dans les écrits de Guénon les raisons d’espérer une renaissance de la Maçonnerie. On y trouvait le « Grand Orateur Ivan Cerf, le futur Grand Maître Antonio Coën, plusieurs Grands Officiers et Conseillers fédéraux » [1] ainsi que le Grand Maître Michel Dumesnil de Grammont, tous membres éminents de la Grande Loge qui avaient été convaincus par Mordvinoff de l’intérêt de l’entreprise. L’artiste peintre Ivan Cerf en fut dès l’origine le Vénérable. Seul le Comte cependant pouvait être alors considéré comme un vrai connaisseur de l’œuvre guénonienne. Trois postulants – futurs initiés donc – devaient bientôt les rejoindre : Marcel Maugy qui publiera plusieurs livres et articles sous le nom de Denys Roman, Marcel Clavelle (alias Jean Reyor) dont la position et les relations avec Guénon seront déterminantes et Roger Maridort qui était devenu musulman depuis peu. Par principe il avait été convenu qu’à l’avenir ne seraient admis dans la Loge que de vrais connaisseurs de l’œuvre guénonienne.

La suite
:

samedi 2 janvier 2010

Que faut il entendre par tradition ?

De l'Introduction Générale A L'Étude Des Doctrines Hindous - Chapitre III

Dans ce qui précède, il nous est arrivé à chaque instant de parler de tradition, de doctrines ou de conceptions traditionnelles, et même de langues traditionnelles, et il est d'ailleurs impossible de faire autrement lorsqu'on veut désigner ce qui constitue vraiment tout l'essentiel de la pensée orientale sous ses divers modes ; mais qu'est-ce, plus précisément, que la tradition ? ... Pour nous, la tradition, dans une acception beaucoup plus générale, peut être écrite aussi bien qu'orale, quoique, habituellement, sinon toujours, elle ait dû être avant tout orale à son origine, comme nous l'avons expliqué; mais, dans l'état actuel des choses, la partie écrite et la partie orale forment partout deux branches complémentaires d'une même tradition, qu'elle soit religieuse ou autre, et nous n'avons aucune hésitation à parler d' « écritures traditionnelles », ce qui serait évidemment contradictoire si nous ne donnions au mot « tradition » que sa signification la plus spéciale ; du reste, étymologiquement, la tradition est simplement « ce qui se transmet » d'une manière ou d'une autre.
En outre, il faut encore comprendre dans la tradition, à titre d'éléments secondaires et dérivés, mais néanmoins importants pour en avoir une notion complète, tout l'ensemble des institutions de différents ordres qui ont leur principe dans la doctrine traditionnelle elle-même.Ainsi envisagé, la tradition peut paraître se confondre avec la civilisation même, qui est, suivant certains sociologues, « l'ensemble des techniques, des institutions et des croyances communes à un groupe d'hommes pendant un certain temps » ; mais que vaut au juste cette dernière définition ?
Nous ne croyons pas, à vrai dire, que la civilisation soit susceptible de se caractériser généralement dans une formule de ce genre, qui sera toujours trop large ou, trop restreinte par certains côtés, risquant de laisser en dehors d'elle des éléments communs à toute civilisation, et de comprendre par contre d'autres éléments qui n'appartiennent proprement qu'à quelques civilisations particulières. Ainsi, la définition précédente ne tient aucun compte de ce qu'il y a d'essentiellement intellectuel en toute civilisation, car c'est là quelque chose qu'on ne saurait faire rentrer dans ce qu'on appelle les « techniques », qu'on nous dit être « des ensembles de pratiques spécialement destinées à modifier le milieu physique »; d'autre part, quand on parle de « croyances », en ajoutant dailleurs que ce mot doit être « pris dans son sens habituel », il y a là quelque chose qui suppose manifestement la présence de l'élément religieux, lequel est en realité spécial à certaines civilisations et ne se retrouve pas dans les autres.
C'est pour éviter tout inconvénient de ce genre que nous nous sommes contenté, au début, de dire simplement qu'une civilisation est le produit et l'expression d'une certaine mentalité commune à un groupe d'hommes ou moins étendu, réservant pour chaque cas particulier la détermination précise de ses éléments constitutifs.
Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que, en ce qui concerne l'Orient, l'identification de la tradition et de la civilisation tout entière est au fond justifiée: toute civilisation orientale, prise dans son ensemble, nous apparaît comme essentiellement traditionnelle, et ceci résulte immédiatement des explications que nous avons données dans le chapitre précédent.
Quant à la civilisation, occidentale, nous avons dit qu'elle est au à contraire dépourvue de tout caractère traditionnel, à exception de son élément religieux, qui est le seul à y avoir conservé ce caractère. C'est que les institutions sociales, pour pouvoir être dites traditionnelles, doivent être effectivement rattachés, comme à leur principe, à une doctrine qui le soit elle-méme, que cette doctrine soit d'ailleurs métaphysique, ou religieuse, ou de toute autre sorte convenable. En d'autres termes, les institutions traditionnelles, qui communiquent ce caractère à tout l'ensemble d'une civilisation, sont celles qui ont leur raison d'être profonde dans leur dépendance plus ou moins directe, mais toujours voulue et consciente, par rapport à une doctrine dont la nature fondamentale est, dans tous les eas, d'ordre intellectuel ; mais l'intellectualité peut y être à l'état pur, et on a alors affaire à une doctrine proprement métaphysique, ou bien s'y trouver me´langée à divers éléments hétérogènes, ce qui donne naissance au mode religieux et aux autres modes dont peut être susceptible une doctrine traditionnelle.
Dans l'Islam, avons-nous, dit, la tradition présente deux aspects distincts, dont l'un est religieux, et c'est celui auquel se rattache directement l'ensemble des institutions sociales, tandis que l'autre, celui qui est purement oriental, est véritablement métaphysique. Dans une certaine mesure, il y a eu quelque chose de ce genre dans l'Europe du moyen àge, avec la doctrine scolastique, où l'influence arabe s'est d'ailleurs exercée assez fortement ; mais il faut ajouter, pour ne pas pousser trop loin les analogies, que la métaphysique n'y a jamais été dégagée aussi nettement qu'elle devrait l'être de la théologie, c'est-à-dire, en somme, de son application spéciale à la pensée religieuse, et que, d'autre part, ce qui s'y trouve de proprement métaphysique n'est pas complet, demeurant soumis à certaines limitations qui semblent inhérentes à toute l'intellectualité occidentale ; sans doute faut-il voir dans ces deux imperfections une conséquence du double héritage de la mentalité judaique et de la mentalité grecque.
Dans l'Inde, on est en présence d'une tradition purement métaphysique dans son essence, à laquelle viennent s'adjoindre, comme autant de dépendances et de prolongements, des applications diverses, soit dans certaines branches secondaires de la doctrine elle-même, comme celle qui se rapporte à la cosmologie par exemple, soilt dans l'ordre social, qui est d'ailleurs déterminé strictement par la correspondance analogique s'établissant entre les formes respectives de l'existence cosmique et de l'existence humaine. Ce qui apparait ici beaucoup plus clairement que dans la tradition islamique, surtout en raison de l'absence du point de vue religieux et des éléments extra-intellectuels qu'il implique essentiellement, c'est la totale subordination des divers ordres particuliers à l'égard, de la métaphysique, c'est-à-dire du domaine des principes universels.
En Chine, la séparation trés nette dont nous avons parlé nous montre, d'une part, une tradition métaphysique, et, d'autre part, tine tradition sociale, qui peuvent sembler au premier abord, non seulement distinctes comme elles le sont en effet, mais même relativement indépendantes l'une de l'autre, d'autant mieux que la tradition métaphysique est toujours demeurée l'apanage à peu près exclusif d'une élite intellectuelle, tandis que la tradition sociale, en ràison de sa nature propre, s'impose également à tous et exige au même degré leur participation effective. Seulement, ce à quoi il faut bien prendre garde, c'est que la tradition métaphysique, telle qu'elle est constituée sous la forme du « Taoïsme », est le développement des principes d'une tradition plus primordiale, contenue notamment dans le Yi-king, et que c'est de cette même tradition primordiale que découle entièrement, bien que d'une façon moins immédiate et seulement en tant qu'application à un ordre contingent, tout l'ensemble d'institutions sociales qui est habituellement connu sous le nom de « Confucianisme ». Ainsi se trouve rétablie, avec l'ordre de leurs rapports réels, la continuité essentielle des deux aspects principaux de la civilisation extreme-orientale, continuité que l'on s'exposerait à méconnaitre presque inévitablement si l'on ne savait remonter jusqu'à leur source commune, c'est-à-dire jusqu'à cette tradition primordiale dont l'expression idéographique, fixée dès l'époque de Fo-hi, s'est maintenue intacte à travers une durée de prés de cinquante siécles.
Nous devons maintenant, aprés cette vue d'ensemble, marquer d'une façon plus précise ce qui constitue proprement cette forme traditionnelle spéciale que nous appelons la forme religieuse, puis ce qui distingue la pensée métaphysique pure de la pensée théologique, c'est-à-dire des conceptions en mode religieux, et aussi, d'autre part, ce qui la distingue de la pensée philosophique au sens occidental de ce mot. C'est dans ces distinctions profondes que nous trouverons vraiment, par opposition aux principaux genres de conceptions intellectuelles, ou plutôt semi-intellectuelles, habituels au monde occidental, les caractères fondamentaux des modes généraux et essentiels de l'intellectualité orientale.